Laetitia Taupin est peintre depuis 23 ans. Ses premières peintures personnelles décrivent son univers onirique et symbolique : "Ma peinture reflétait ma vie intérieure ; maintenant, en la structurant avec le cinéma, je découvre la vie. La pensée rejoint la matière."



Godard disait : "Au cinéma nous ne pensons pas, nous sommes pensés" ; et elle répond qu'à dix ans elle est persuadée que quelqu'un raconte sa vie, qu'elle ne la contrôle pas. Cette relation avec le 7ème art lui permet de reprendre les rênes en pensant Cinéma : ses précédents travaux sur Hitchcock, Kubrick et Godard en sont le témoin.

   Souvent, les réalisateurs de films font référence à l'art pictural dans loeurs oeuvres ; une caméra-pinceau, caméra-stylo. La démarche de l'artiste est de s'approprier non seulement l'image projetée mais aussi ce qui fait l'essence même de ces films: leurs personnalités. L'étude de leurs films et surtout de leur vie lui est nécessaire pour arriver à créer cette nouvelle image. De ce mélange, elle obtient après décantation et filtration, une matière sensitive, raisonnée ou pas.

   Les films sont comme les rêves, on a souvent du mal à s'en souvenir. Les rêves de Tarkovski se mêlent aux siens, elle les scelle au présent et à la réalité à travers la peinture. Le réalisateur russe réalise sept films avant de nous quitter en 1986. Une vie de travail contrarié, d'exil, mais aussi de poésie et de réflexion.

   La musicienne Christel Vars est venue compléter son travail en composant et enregistrant plusieurs chansons inspirées de cette série. Sa musique approfondit la perception de la peinture comme une bande originale le fait d'un film.

   L'installation de l'exposition dans la Maison de la Fontaine s'enrichit d'un parcours élaboré spécialement pour ce lieu. Chaque salle compose une atmosphère, un thème clé de l'exposition et de la cinématographie de Tarkovski. La mosaïste Gwen Lamy s'est prêtée au jeu de l'exposition en acceptant de réaliser des mosaïques à partir de dessins de la peintre, comme un écho à l'art de l'icône orthodoxe.

   Acrylique et collages constituent l'essentiel de la matière des tableaux. Les aplats unis laissent place à des patchworks de figures et de personnages articulés, superposés, fondus les uns dans les autres pour composer une mise en scène globale. Cependant la peinture n'est que le moyen de faire ressortir la recherche et la projection intellectuelles qui sont le véritable enjeu de ces travaux.